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L’identité parasite
Quel est le rapport entre portrait et identité ? Sur les papiers du même nom, le bon sens suggère que c’est l’existence qui précède la représentation, l’identité qui détermine le portrait. Mais on peut aussi observer la relation inverse. Tout comme Trotsky est gommé par la propagande stalinienne, l’histoire de France selon Job ne connaît que Gaulois et François. Ont-ils existé, juifs, roms, Italiens, Polonais et autres migrants ? Rien dans l’image ne trahit leur contribution à l’essor de la nation. Exilés de la représentation, ils le sont du même coup de l’histoire.
Les sans-papiers sont sans-images. Effacée de l’espace légitime où chacun croit avoir droit d’apparaître, leur identité vagabonde s’étiole et disparaît. Le lien de l’existence à la représentation peut donc se parcourir dans les deux sens. Refuser à quelqu’un son portrait est susceptible de menacer son existence.
Pourquoi afficher sur les murs le visage de Florence Aubenas, sinon parce qu’on a vu dans ce rappel une façon d’empêcher son effacement des mémoires – un puissant moyen pour lui sauver la vie ? C’est en vertu de cette loi visuelle que Sylvain Gouraud a entrepris de ramener dans l’image les traces de ceux qui erraient dans les limbes.
En empruntant un modèle de l’univers médiatique, il leur a restitué ce qu’on pourrait appeler une identité parasite. Une identité de contrebande, indésirable, forçant les règles, pied dans la porte. Comme toute contrefaçon, celle-ci n’a pu résister longtemps à la police des images. Là n’est pas le plus important. […]
Quel est le rapport entre portrait et identité ? Sur les papiers du même nom, le bon sens suggère que c’est l’existence qui précède la représentation, l’identité qui détermine le portrait. Mais on peut aussi observer la relation inverse. Tout comme Trotsky est gommé par la propagande stalinienne, l’histoire de France selon Job ne connaît que Gaulois et François. Ont-ils existé, juifs, roms, Italiens, Polonais et autres migrants ? Rien dans l’image ne trahit leur contribution à l’essor de la nation. Exilés de la représentation, ils le sont du même coup de l’histoire.
Les sans-papiers sont sans-images. Effacée de l’espace légitime où chacun croit avoir droit d’apparaître, leur identité vagabonde s’étiole et disparaît. Le lien de l’existence à la représentation peut donc se parcourir dans les deux sens. Refuser à quelqu’un son portrait est susceptible de menacer son existence.
Pourquoi afficher sur les murs le visage de Florence Aubenas, sinon parce qu’on a vu dans ce rappel une façon d’empêcher son effacement des mémoires – un puissant moyen pour lui sauver la vie ? C’est en vertu de cette loi visuelle que Sylvain Gouraud a entrepris de ramener dans l’image les traces de ceux qui erraient dans les limbes.
En empruntant un modèle de l’univers médiatique, il leur a restitué ce qu’on pourrait appeler une identité parasite. Une identité de contrebande, indésirable, forçant les règles, pied dans la porte. Comme toute contrefaçon, celle-ci n’a pu résister longtemps à la police des images. Là n’est pas le plus important. […]
André Gunthert
Sylvain Gouraud
Photographe
Sylvain Gouraud est photographe. Il s’intéresse à la photographie en tant qu’objet à part entière, dont il interroge la matérialité propre au regard de contextes sociaux défavorisés et en manque de visibilité, retournant ainsi l’effet ultime de classement qu’opère généralement ce medium.
L’aspect politique est récurrent dans le travail de Sylvain Gouraud.
C’est ce qui lui permet de rentrer dans son sujet, c’est une réflexion sur l’organisation de nos sociétés.
Il utilise la photographie comme un constat, un regard qu’il fait parfois devenir actif : comment la photographie peut être le moteur de nos actions politiques. Pour cela, il n’hésite pas à faire intervenir le public, interrogeant la notion de droit d’auteur, si chère à notre époque.