Molène est une goutte de terre posée à la surface de l’océan, rosée marine distillée en Bannec, Balanec, Trielen, l’île aux Chrétiens, Litiri, Quéménès, Béniguet, formant, parmi d’autres émergences, son archipel. Elle côtoie, en une rivalité discrète, la sentinelle Ouessant, sa voisine, qui, malgré les secousses des vagues, semble davantage vouée à l’immuabilité. Molène disparaît sous la brume où s’élève, en gratte-ciel, dans le grand jeu des illusions d’optique quand la lumière de cette fin du monde se réfracte, encore plus qu’ailleurs, et que l’éther vibre du souffle mêlé de la mer et du vent.
Molène est une escale, un abri, un repos pour qui sait l’atteindre, dans l’enchevêtrement des écueils, empruntant le chemin des balises et se fiant à la boussole pour passer le Grand Courleau, le Lièvre, le Grand C’hromm et Men-ar-Roued, avant d’apercevoir, à l’entrée de l’île, la tourelle blanche des Trois-Pierres. Ceux qui préfèrent le chenal de la Helle croiseront les Pourceaux, le Faix ou la Luronne. Et sur la mer d’Iroise, partout ces noms résonnent, qui racontent des histoires d’étoiles, de bêtes, de couleurs ou de croches gardant ainsi la mémoire des routes, des fortunes de mer et le secret des coins de pêche.
Molène est une marée dans l’alternative, haute ou basse, aux eaux mortes ou vives. Et la vie s’organise au rythme de ce gonflement et dégonflement, orchestré par la valse de la Lune et du Soleil : la pose des filets, la remontée des casiers, la coupe du goémon, la pêche aux ormeaux ou aux étrilles. à l’étale dévoilés, les estrans confient leurs trésors toujours renouvelés aux oiseaux, aux mouches, aux puces ou à qui saura, le premier, poser sa pierre sur le précieux pinsé.
Molène est un voyage au pays d’un temps suspendu où l’on passe ou s’enracine. Ils sont les arbres ces hommes et ces femmes dressés sur la calvitie de l’île quand le règne végétal rampe pour échapper au feu des embruns. à Beg-ar-Loued, l’âme de leurs aïeux est, à petites gorgées, avalée par l’ascension goulue de l’océan ; ailleurs, elle habite ces géants de granite aux formes curieuses, fantastiques incarnations minérales. […]
Marie Hascoët
Guy Hersant
Photographe
Guy Hersant né en 1950 en Loire-Atlantique. Après un apprentissage artisanal de la photographie, puis employé dans différents studios, il s’installe à Lorient en 1975. Ses origines, sa révélation très jeune du goût des voyages et son intérêt pour le monde paysan dont il est issu, l’ont souvent conduit à photographier en France, en Chine et depuis 1971 en Afrique.
Co-fondateur à Lorient du groupe Sellit en 1979, créateur et directeur de 1982 à 1989 des Rencontres photographiques en Bretagne et de la galerie Le Lieu, il fut commissaire d’expositions aux biennales de la photographie africaine de Bamako entre 1994 et 2001.
Installé à Paris en 1990, il travaille sur de grands chantiers et architectures contemporaines de la capitale. A partir de 2001 et durant une dizaine d’années, à travers commandes ou résidences d’artiste, il aborde le monde du travail comme sujet principal, réunissant en portraits de groupe des personnes exerçant différentes activités et métiers au Nigeria, Ghana, Mali, Gabon ainsi que dans diverses régions de France.
Expositions dans des musées, institutions, festivals : BPI G.Pompidou (Paris), Musées Arts Décoratifs (Nantes), Musée Rimbaud (Charleville-Mézières),
Marco Museo (Vigo), La Filature (Mulhouse), Port-Musée (Douarnenez), Musée d’Evreux…
Il est l’auteur de monographies principalement aux Editions Filigranes.
Ouvrage publié en 2019 : Ouessant – texte Mona-Ozouf.
Marie Hascoët
Auteur
Arrimée à la mer d’Iroise depuis son enfance, Marie Hascoët a fait des études d’histoire de l’art à l’école du Louvre.
En 2008, elle redécouvre l’océan, à la lumière de la biodiversité qu’il abrite, en entrant au Parc naturel marin d’Iroise.
Depuis, au sein de cet espace protégé, elle tente de rapprocher les univers du sensible et de la science, pour mieux comprendre les liens qui unissent les hommes à la mer et favoriser leur réconciliation.