Jean Bizien débarque aux États-Unis en 1946. Très jeune homme. Il découvre le pays par une ville : New York. Une cité faite de centaines d’autres villes, de milliers de Villages d’Irlande, d’Italie, de Russie, de Chine, du Mali, d’Afrique du Sud, du Mexique, du Brésil… Des milliers de villages, des millions d’hommes, des milliers d’habitudes différentes, des milliers de fêtes, de langues, des centaines de couleurs de peau, des millions de démarches, une seule langue pour parler ensemble. Une seule ville pour vivre ensemble. New York est un miracle. Des millions d’hommes si différents se côtoient, vivent, commercent en paix. New York est un miracle sombre et joyeux. La paix et la justice humaine sont très relatives. Pour pouvoir vivre ensemble, inventons autre chose ? Une ville haute et plus verticale. Et pourtant les humains photographiés par Jean Bizien sont des villageois dans une ville aux immeubles immenses. Jean Bizien a saisi la danse de tous ces peuples qui se côtoient dans la ville. Ce sont des villageois. Ils prennent leur temps, posent leurs journaux sous leurs fesses et regardent la vie bouger. Ils jouent aux dames, couverts de gros pardessus laineux. Ils dorment dans la rue pour se reposer, l’après-midi. Par misère parfois. New York est familière, dure et douce. Elle se transforme en ville méditerranéenne. En ville froide et enneigée. En ville de plaisir et de fête. En ville d’enfants, qu’ils soient des adultes ou de vrais enfants. En ville d’hommes seuls, qui se protègent des larmes avec des journaux sous le dos ou les mains fermées sur leur visage. Jean Bizien est là pour recueillir toute cette humanité. Son appareil est comme une bouteille de vin qui a emprisonné les saveurs et les amertumes, les images et les élans d’une époque. Il a ouvert, il y a peu de temps, le bouchon du temps. Soixante ans avant, soixante ans après. […] Olivier Couqueberg
Jean Bizien
Photographe
Jean Bizien Il y a 60 ans, un jeune photographe, un jeune breton installé à New York depuis peu, assistant d’Irving Penn, profite de ses rares moments de liberté pour parcourir, appareil photo au cou, New York et ses « villages », de Central Park à Little ltaly. Tout l’intéresse dans cette immensité urbaine, moments de repos, de tendresse, de solitude aussi, tous et chacun qui n’attendent que « celui qui saura les regarder ». Et Jean Bizien a su les regarder d’un objectif amical et nous offrir sa vision humaniste et sensible de la mégalopole américaine.