On racontait dans les campagnes de Normandie que la terre était à l’origine dépourvue de feu et que c’est Roitelet, un de nos plus petits oiseaux, qui l’aurait descendu du ciel pour en faire don à l’humanité. En réanimant la tradition orale oubliée, la série photographique Manifestation du mythe prolonge le récit ancien et le confronte au paysage contemporain.
Le feu est l’un de nos plus anciens alliés dans l’aménagement de notre environnement. Alors que son statut à changé dans la modernité occidentale pour être de plus en plus associé à une menace, un ennemi, le travail photographique interroge nos représentations des flammes. Plutôt que de cultiver la nostalgie, cet intérêt pour la culture paysanne d’hier invite à prendre soin de la campagne d’aujourd’hui, et à trouver dans les traces d’une cosmologie ancienne les moyens pour faire évoluer notre relation à l’idée de nature.

Pour construire sa représentation du territoire, Mathieu Lion photographie en marchant, lors d’expériences en immersion sur le terrain, et capte des images autant documentaires que subjectives. En employant des appareils issus d’époques différentes, aussi bien argentiques que numériques, il développe diverses relations à la prise de vue qui mettent parfois l’accent sur le contrôle du cadrage et du résultat ou laissent au contraire une place plus grande à l’accidentel.
Il en conçoit un récit visuel formé de séquences photographiques où le déplacement d’image en image recompose une observation minutieuse. La réduction à quelques instantanés joue autant d’un effet de concentration de l’attention que d’un sentiment de manque : celui qui amène à penser ce qui se trame dans les intervalles entre les photos, à être attentif à ce qui se tient hors champ.
Parallèlement, Mathieu Lion rencontre celles et ceux qui peuplent la campagne pour entrevoir l’en-deçà de leur paysage. Séquences photographiques et documents sonores s’associent dans une tentative de composer le point de vue hybride d’un photographe (urbain) sur des territoires ruraux et les êtres qui les animent. En s’appuyant sur les travaux des sciences humaines – ceux des anthropologues principalement –, l’œuvre est conçue comme un ensemble qui interroge notre relation au monde sauvage, aux autres vivants.

(écrit à quatre mains par Christine Ollier et Mathieu Lion)